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Mes chers parents, je…

Mes chers parents, je...


Je vous écris ce courrier sans même savoir si vous le lirez. Est-ce que je vais le brûler, est-ce que je vais le garder ? Je ne sais pas. Mon psy a dit que le principal est de l’écrire. Après, je verrais ce que j’en fais.

Vous avez été choqués quand je vous ai ramené une petite amie. Je vous avais présenté Grégory l’année passée et vous sembliez très contents que j’ai un copain malgré mes tenues masculines et mon look à la garçonne. A 18 ans, j’avais déjà eu quelques petits copains mais sans grande importante. Pas assez pour que je vous les présente.

Maman, tu semblais si rassurée quand je t’en parlais. Tu t’es tellement inquiétée du fait que j’avais des jouets de garçons et que je ne voulais jamais porter de robes. Mais enfin comme tu dis, je suis en bonne santé, c’est le principal. Enfin si je pouvais me comporter comme toutes les petites filles, ça aurait été d’autant mieux.

Papa, oui, je ne prends pas la peine de t’écrire une lettre à part, je sais que vous la lirez ensemble si vous la lisez un jour. Plus j’écris et plus je me dis que c’est trop tôt pour en parler ou que ce n’est pas le bon moment. Mais est-ce que ça le sera un jour ? Et est-ce que ça ne serait pas mieux pour tout le monde que j’arrête de me cacher et que je vive comme je suis vraiment ?

J’en ai marre de faire 100 kilomètres pour m’habiller selon ma vraie identité ou de me balader en ville, la nuit dans des endroits où je ne rencontrerais personne que je connais pour éviter toute équivoque ou toute question. Mais ce ne serait pas à ce moment que je serais déguisé mais c’est au quotidien pour moi. Quand je vois votre regard qui montre que malgré vous, vous interrogez sur mes choix, quand je vois que Papa se retient de poser des questions.

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Il y a un malaise entre nous. Et je le regrette. Je vous aime et vous m’aimez. Vous me le prouvez chaque jour. En acceptant aussi cette petite amie que je viens de vous présenter. Je t’ai dit qu’on en reparlerait, Papa, c’est parce que tu avais l’air assez dubitatif sur ce que je t’ai dit. Tu as compris depuis longtemps mais tu ne veux rien en dire. Tu me laisses en parler moi-même. Et je te remercie pour l’ouverture d’esprit que tu montres. Ton éducation ne t’a pas préparé à avoir cette fille atypique qui a des cheveux courts, des tatouages sur les bras et qui s’habille tout le temps en jean et en tee-shirt large. Et qui a choisi le métier de boucher-charcutier. Je ne sais pas si je rentre dans la catégorie à laquelle je pense appartenir tellement les histoires et les besoins sont différents. Ce que je sais, c’est que je veux vous en parler pour vous expliquer :

Ça ne vient pas de vous

  • Vous n’avez rien raté dans mon éducation
  • J’espère que je resterai quand même votre enfant et que vous l’accepterez
  • Je ne sais pas comment vous le dire de vive voix alors je vous l’écris

Je ne suis pas vraiment une fille. Mon sexe biologique le dit. Mon état civil le dit mais je n’en suis pas une dans ma tête. Je ne suis pas né dans le bon corps. Si j’allais à la chasse chaque dimanche avec toi, Papa, c’est pas juste pour me promener en forêt le matin à l’aube C’est aussi parce que c’est une activité d’homme et que je me sens bien quand je fais des trucs d’homme. Ma musculature aussi. Je vais à la salle de sport et je développe mon corps ainsi parce que j’aime voir cette musculature qui fait disparaître ces seins que je déteste. Je suis bien dans mon boulot. Les collègues me prennent d’ailleurs pour un collègue et n’ont plus de filtre avec moi. Certains nouveaux ont même cru que j’étais un homme et ne savaient plus où se mettre en repensant à ce qu’ils avaient dit dans la journée. Moi, je préfère qu’on me prenne pour un des leurs. C’est ce que je veux, ainsi que je me sens le mieux.

Je vous écris parce que je vais prendre un traitement pour devenir un homme. Je vais le faire en douceur mais je veux apprivoiser ce corps qui n’est pas celui que je devrais avoir.

Je fréquente une association de gens comme moi. On nous appelle les transgenres. Attention, nous ne sommes pas des excentriques qui veulent s’amuser à confondre les genres ou les règles de la société. Il y a des personnes comme moi qui veulent réellement changer de sexe, il y en a d’autres qui se sentent de l’autre sexe mais qui ne veulent pas de traitement et il y en a qui ne veulent pas d’étiquette masculine ou féminine, il y en a tellement avec tellement d’histoires. Tant d’envies, tant de frustrations. Moi aussi.

Je sais que le sujet est à la mode actuellement et que l’on raconte beaucoup de stupidités à ce sujet. Non nous ne sommes pas des pervers qui veulent expérimenter des nouvelles pistes, non, nous ne sommes pas des désaxés qui sont mal dans leur peau. Enfin nous sommes mal dans notre peau, mais la raison est différente. Nous ne sommes pas dans le bon corps avec la bonne identité. Je ne me sens pas femme et je me rappelle les crises que je faisais à Maman quand elle insistait pour me mettre une robe ou un vêtement de couleur rose. Moi, je voulais être comme mon cousin Grégoire. Je lui ai emprunté nombre de fois ses vêtements. Même ses slips. Rassurez-vous, aujourd’hui, je porte mes propres slips et on a des accessoires pour nous, pour bander notre poitrine (dieu merci, la mienne ne prend pas trop de place) pour avoir ces attributs masculins qu’on envie aux hommes et pour la pilosité… Ça arrivera bientôt. Avec le traitement que je vais prendre.

Le problème maintenant est que je vais devoir expliquer à tout le monde que je veux plus être une femme et encore moins cette Maryline que tout le monde connaît. Je veux prendre ce prénom que vous m’auriez donné si j’avais été un garçon. Et si vous n’en aviez pas choisi parce que Maman était très heureuse d’avoir une fille, je suis désolé de te décevoir. Enfin je pense que tu t’es fait une raison depuis. Puisque je n’ai jamais choisi de vêtements féminins et que je râlais quand tu voulais me faire des couettes.

Merci par ailleurs d’avoir accepté que j’ai les cheveux coupés en rentrant à l’école. On me prenait pour un garçon, qu’est-ce que j’étais fier ! Enfin j’avais le sexe qui me correspondait.

Adélaïde, ma copine, est au courant de tout ça. Elle fréquente aussi les L.G.B.T (Lesbiennes, Gay, Bi et Trans) Ne vous inquiétez pas, elle n’est pas un garçon trans. Elle est lesbienne. Enfin elle le pensait puisque finalement, elle est amoureuse d’une fille qui est un garçon dans sa tête. Mais on est heureux ainsi. Et c’est le principal, non ? Elle m’a dit que c’est la personne qu’elle aime et pas uniquement le physique. Je ne sais pas où cette histoire nous emmènera mais pour l’instant, nous nous faisons du bien mutuellement et je suis très content que vous l’ayez accueillie si bien.

Vous avez probablement remarqué que je parle au masculin de moi. C’est aussi une manière de vous préparer. Vous allez avoir un fils. Un vrai. Je ne sais pas si j’irais jusqu’au bout de la transformation. Je ne sais si la chirurgie m’aidera à avoir ma vraie identité. Je verrais avec le temps. J’ai déjà besoin que mon entourage accepte cette décision que j’ai prise et comprenne ce malaise que je vis depuis 13 ans.

J’espère que vous ne me rejetterez pas, mes parents. Je vous aime, et j’ai besoin de vous. Et j’ai aussi besoin d’être vraiment moi-même vis-à-vis de la société.

Désolé de ne pas mener la vie que tout le monde a. Désolé de ne pas vous donner des petits-enfants comme Maman rêve d’en avoir. Je vais faire congeler quelques ovules pour envisager cette éventualité. Je n’en ai pas encore parlé avec Adélaïde, c’est bien trop tôt dans notre relation. Chaque chose en son temps. Il faudra aussi envisager que je sois le père et en même temps la mère biologique de cet enfant. Toute une histoire à laquelle peu sont préparés.

Maman, Papa, je vous aime. J’espère que vous comprendrez.

Votre fils,

M.

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