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D'une grossesse attendue

Avant de lire cette nouvelle, sachez qu’elle est issue d’une histoire vraie et a été écrite à partir du témoignage d’une femme qui m’a demandé de la diffuser pour aider toutes celles qui subissent ces épreuves et pour les aider. Pour tous les couples qui essaient d’avoir un enfant. Cette histoire sera toujours disponible gratuitement. Si vous voulez aider des personnes qui traversent ce parcours, partagez-leur. Merci pour eux.

L’histoire

Je m’appelle Abigaëlle, j’ai 38 ans et je suis stérile. Certains diront
« mais non ça va arriver ne t’inquiète pas. »

Moi j’en ai fait mon deuil. Je suis allée voir différents spécialistes, j’ai suivi différents traitements, aucun n’a fonctionné. Par contre, moi, j’ai été bien détruite. Physiquement, je ne sais pas, mais psychologiquement, ça c’est sûr. Je suis allée voir un psychologue qui m’a conseillé de coucher par écrit tout mon ressenti et toute mon histoire. Peut-être qu’un jour, j’irai dans un groupe de parole pour me libérer de tout le bloc et m’apercevoir que je ne suis pas la seule, je ne sais pas. Pour l’instant, je ne sais pas prête. Je ne sais même pas si je serais capable de décrire toute mon histoire. Que faire de ce récit ? Je ne sais pas non plus. Peut-être je la diffuserai à tout le monde, peut-être que je la garderai pour moi, peut-être que je la brûlerais comme m’a conseillé le psychologue. Pour sortir enfin de cette mauvaise expérience, de ces mauvaises aventures et passer à autre chose.

La résilience, ce thème à la mode…

Tout comme le désir d’enfant d’ailleurs.

Apparemment quand on est une femme il n’est pas normal de ne pas vouloir d’enfant. Étant donné que nous sommes munies d’un utérus, nous devons toutes rêver au prince charmant, avoir une grande et belle famille comme Caroline Ingalls, de la petite maison dans la prairie, s’occuper de sa maison, faire des gâteaux et écoutant les enfants qui courent autour de soi en criant avec le sourire. Pourtant je connais des femmes qui n’en n’ont pas qui n’en veulent pas et qui le vivent très bien. Elles ont choisi tout simplement de ne pas en parler de peur d’être vues comme des monstres d’égoïsme. Et pourtant ? Est-ce parce que nous sommes femmes que nous devons systématiquement pondre ? Est-ce que nous devons systématiquement reproduire la même vie que nos parents ? J’ai vu ma mère se sacrifier pour énormément de choses notamment ses enfants avant son mari qu’elle s’est mariée jeune, ils ont eu plusieurs enfants, trop à mon goût d’ailleurs. Elle en a eu cinq. En a-t-elle eu en trop ? Je ne sais pas. Je n’ai jamais osé lui poser la question. Mais en tout cas elle a passé sa vie à élever ses enfants. Sa vie était quasiment terminée, du coup elle a continué en s’occupant de ses petits-enfants. À l’entendre, elle est ravie. Elle aime passer son temps avec des enfants sauf que si on creuse un peu derrière cette façade de mamie gâteau, elle aurait voulu poursuivre des études, elle voulait avoir une carrière comme certaines de ses amies qui ont eu moins d’enfants et on apprend qu’elle aurait voulu voyager. Elle n’a même jamais pris l’avion.

Moi je suis la petite dernière, celle qui l’a probablement empêchée de tenter une carrière à part celle de maman. Une fois où j’avais un peu bu, je m’étais lâchée et je lui ai demandé. Elle m’a dit que si c’était à refaire elle n’aurait pas eu autant d’enfants, ce qui veut dire que je n’aurais pas existé. Maintenant, elle m’a aussi dit que mon père n’aurait jamais accepté qu’elle travaille. Le psychologue, à ce sujet, me dit que je me réfugie trop derrière ma mère et qu’il s’agit de moi en tant que mère, ce rôle que je n’aurais jamais.

Même si, comme je l’ai entendu, ne pas faire d’enfant, c’est égoïste. C’est bien de faire des enfants pour leur transmettre quelque chose. Puis une autre personne arrive et me dit : ben oui ! Pourquoi tu ne t’y mets pas ? Il est temps !

Parce que je suis en plein protocole, connard ? Et que je n’ai pas envie de t’en parler ? Non, je n’ai rien dit. J’ai trouvé une excuse pour m’enfuir et je suis allée pleurer aux toilettes. Tout simplement. J’ai subi des traitements, ai-je été un sujet d’expérience, c’est ce que j’en suis arrivée à me demander. J’ai été traitée comme un simple corps, un utérus géant où il fallait implanter des ovules ou des ovules fécondés.

– Vous n’arrivez pas à tomber enceinte, madame ? Pas de problème on est des solutions, on a des traitements, on a des protocoles.

Et le côté humain dans tout ça ?

Je vais peut-être commencer par le commencement. Situez-vous dans mon histoire. J’ai 25 ans, je suis en couple, je suis heureuse et, cerise sur le gâteau, j’apprends que je suis enceinte. Je suis très heureuse. Et je commence à l’annoncer à ma famille. Qui se réjouit comme moi. Je suis au nirvana. Jusqu’au jour où j’ai très très mal au ventre au travail. Je perds du sang et là je comprends que je ne le garderai pas. Il paraît qu’une femme sur 4 subit une fausse-couche pour une première grossesse. J’intègre déjà des statistiques, j’appartiens au groupe de femmes qui ont subi une fausse-couche. Comment me suis-je sentie par la suite ? Mal. J’ai dû faire le deuil de cet enfant que je n’aurai pas en me demandant pourquoi il n’était pas resté. Ce qu’il aurait été. Garçon ? Fille ? Grand, petit ? Gentil ? Ou pas ? Proche de sa maman ? On entend souvent.

– Ah, mais de toute manière, tu n’as pas eu le temps d’être enceinte donc, ça va aller.

Non ça ne va pas. Parce que déjà là, je ne me suis pas sentie normale. Pourquoi moi je n’arrive pas à être enceinte normalement et à donner naissance à un enfant ? J’ai une copine qui a décidé d’arrêter la pilule, 2 mois après, elle était enceinte. 9 mois après, elle avait un bébé dans les bras. Et moi, je n’ai eu que mes yeux pour pleurer et pas une parole de réconfort malgré cette perte et ce deuil à faire.

Si vous avez décidé de la lire, si je la publie ou si je le diffuse, asseyez-vous parce que ça va prendre un moment de la lire. Préparez les mouchoirs parce que peut-être que vous êtes concernés et que mon histoire va vous parler. Et vous remonter des sentiments que vous étouffez. Le pire, je crois, c’est de ne pas partager systématiquement mon histoire.

 Je me rappelle de cette fois où je suis allée voir une collègue qui venait d’accoucher. Elle était très heureuse dans sa maternité nouvelle et me disait :

– ça fait envie ! ça fait envie !

En regardant son bébé comme la huitième merveille du monde. Mais quand on ne peut pas, on fait comment ? Je venais de perdre un bébé. Oui, pour moi, j’ai perdu un bébé, parce qu’il était voulu et pendant la courte période où j’ai eu le bonheur d’être enceinte, j’avais créé un compte sur plein de sites de grossesse, j’avais commencé à regarder la liste des prénoms, nous avions choisi un doudou pour ce bébé à venir. Je m’éloignais des personnes qui fumaient, je ne buvais plus, j’évitais la charcuterie. En bref, je faisais tout ce qu’il faut pour ce bébé. Pourquoi est-il parti ? Je ne le sais pas. Et je le pleure encore aujourd’hui.

J’ai parfois l’impression de devoir porter ce mot sur écrit sur mon front pour qu’on me laisse tranquille avec ces histoires d’enfants et qu’on arrête de me poser des questions sur un désir éventuel d’enfant. Pourquoi est-ce que je n’en ai pas à mon âge ? Est-ce que j’ai l’intention d’en avoir, et cetera, et cetera. Fichez-moi la paix avec ça. Pour celles qui essaient de tomber enceintes, qui attendent de tomber enceintes depuis longtemps ou qui suivent des traitements dans ce but ; est-ce que vous ça ne vous est jamais arrivé de déchirer un faire-part de naissance de colère, de frustration et de détresse ? En vous demandant pourquoi pas vous ? Ou quand j’entends :

– ah mais toi quand est-ce que tu t’y mets ? L’horloge tourne !

Ben moi je ne peux pas parce que Mère nature ne veut pas. Donc que dois-je répondre pour ne pas plomber l’ambiance ? Vais-je pleurer comme je l’ai déjà fait trop souvent, seule, dans les toilettes et aussi discrètement que possible ? Ou puis-je répondre systématiquement :

– Ben non, moi j’y arrive pas et je n’en aurais pas parce que je suis stérile.

Stérile, ce mot est assez difficile à dire.

Est-ce que ça ne vous est pas aussi arrivé de vouloir embrasser quelqu’un qui vous a juste dit :

«  – oui l’attente c’est long et dur. »

Et pour celles comme moi, qui sont stériles et qui savent qu’elles n’auront jamais d’enfants, qui tentent d’accepter ce triste sort d’être anormale… Si quelqu’un qui vous dit :

– mais si tu es normale, c’est juste que tu n’auras pas d’enfant donc pas de descendance. Tu n’auras pas de lignée comme c’est à la mode depuis des siècles et des siècles. Tu peux quand même vivre ta vie et apporter des choses aux autres sans mettre des enfants au monde.

Qu’avez-vous envie de lui dire ? Ce genre de réaction est si rare. Bien trop rare pour nous. Et pourtant.

Donc, pour ma propre histoire, la voici. Le cauchemar commence après cette fausse-couche. Impossible de déclencher une nouvelle grossesse. Et pourtant, nous avons pratiqué. J’ai tout essayé, j’ai noté mes dates dans un calendrier, j’ai tenté de vérifier mes cycles d’ovulation, j’ai tenté d’appliquer des méthodes que je préfère ne pas expliquer ici tant elles sont ésotériques, stupides, et ne concernent que les personnes désespérées. Vous connaissez ce type d’action magique à laquelle on ne croit pas, mais qu’on tente tout de même dans le doute ? Et si pour moi, ça marchait ? Ben non, ça ne marche pas.

Je prends donc rendez-vous avec mon gynécologue qui connaît mon dossier. Il me prescrit toute une batterie d’examens. Le verdict tombe, je ne fournis pas assez de gros ovules. Nous mettons en place un protocole à la clinique où je subis une hystérographie qui fut un vrai calvaire. Le premier d’une suite d’autres, mais ne soyez pas trop pressé. Pour cette première hystérographie, je me suis retrouvée nue, sur une table devant des personnes en blouse blanche que je ne connaissais ni d’Ève ni d’Adam, avec un médecin qui me criait dessus parce que je bougeais. Cet examen est extrêmement douloureux et pourtant, je ne suis pas douillette. Il faut rester parfaitement immobile parce qu’ils injectent un liquide dans l’utérus pour vérifier que tout est bien en place. J’ai serré les dents et les doigts sur ce que j’ai trouvé en essayant de ne pas crier pour ne pas effrayer la femme suivante. Le docteur fut tellement délicat qu’il me fit saigner. J’ai même reçu des excuses d’une infirmière présente pendant l’examen. Je crois qu’on ne nous explique rien parce que comme ça, on n’angoisse pas. Mais… J’avais déjà eu la puce à l’oreille quand j’ai vu la femme qui m’avait précédée sur cette table, ressortir toute blanche et me faire un sourire crispé comme pour me dire « Bon courage. Je suis contente que ce soit fini pour moi.»

Et en effet, je ne le souhaite à personne. Pas même à mon pire ennemi, tellement c’est douloureux. Je n’ai pas su conduire pour rentrer chez moi et je suis allée me reposer pour me remettre, psychologiquement et physiquement, en espérant de tout mon cœur que je ne subissais pas cet examen pour rien.

S’en suivent de multiples échographies par trois gynécologues différents. Merci à la conne qui m’aboyé dessus pour répondre à certaines de mes questions, car elle l’avait déjà expliqué. Nous avions reçu tellement d’informations que je ne comprenais plus rien et que je voulais bien apprendre ma leçon. Je n’ai qu’à mieux me renseigner ! À qui ? À un médecin ! Et vous êtes quoi, vous ?

Je me suis rendue à cette clinique plusieurs fois par semaine, en plus des prises de sang dans un autre cabinet. Si vous n’aimez pas les aiguilles, abandonnez tout de suite. J’en avais même plaisanté avec une infirmière en disant que j’allais avoir une place de parking à mon nom. Ils m’ont ajouté un protocole des piqûres d’hormones tous les jours, à faire soi-même, dans le gras. L’effet secondaire était les pics d’humeur. Je ne me contrôlais pas, je pleurais pour un rien, je m’énervais pour tout. Un vrai calvaire pour tout le monde. Lors du déclenchement de l’ovulation, nous avions trois jours programmés de sexe obligatoire pour espérer une grossesse. Beaucoup diront, mais c’est le pied d’enfer ! Eh bien non. Pas toujours. Ce n’est pas un amant que l’on rencontre après une diète sexuelle ni une personne que l’on désire depuis longtemps avec laquelle on va pouvoir faire tout ce qui nous passe par la tête. C’est votre compagnon (ou compagne si des hommes me lisent), qui subit comme vous ce parcours. Émotionnellement, vous admettrez que le côté glamour de cette lune de miel de trois jours est très réduit. Ce fut parfois un cauchemar d’avoir des rapports « obligatoires ». Nous avons même eu des pannes à cause de la contrainte.

Je me suis sentie brisée au niveau de ma vie de femme adulte au point de perdre ma libido à cause de ces multiples examens, des rapports programmés. J’avais le sentiment que mon intimité ne m’appartenait plus, que mon vagin était devenu une autoroute fréquentée par toutes les blouses blanches. Je me dégoûtais par moments. Pour beaucoup de raisons, de ne pas réussir à être fécondable comme les autres, de ne pas réussir à accueillir mon homme pour un rapport malgré les lubrifiants et autres accessoires pour nous aider. Bien sûr, pendant que je vivais ce parcours de santé, j’apprends qu’un ami très proche va avoir un deuxième enfant et que c’est un accident… Ce jour-là, je l’ai pris comme une violente gifle. Je m’excuse encore auprès de ce monsieur du cabinet de prise de sang de m’être effondrée en larme, car je ne savais plus gérer la situation.

Dans la clinique où je suivais mon traitement, au pôle de la mère et de l’enfant, nous devions passer devant la salle d’Interruption Volontaire de Grossesse, ce qui est tout aussi destructeur pour les femmes qui vont se faire avorter pour diverses raisons. Je ne comprends toujours pas pourquoi ils obligent les femmes qui veulent des enfants à se retrouver au milieu de celles qui n’en veulent pas tout près de celles qui viennent d’en mettre au monde. Est-ce une autre manière de nous culpabiliser l’une l’autre ? Ne croyez-vous pas que nous avons suffisamment de raisons de nous culpabiliser déjà ? Cette expérience se passe très mal, les infirmières ne sont pas toujours aimables, j’ai l’impression d’être un simple numéro. Apparemment, la psychologie a loupé le berceau de certains soignants. Ils pourraient apprendre qu’ils ne soignent pas qu’un amas d’organes et de cellules, à l’intérieur de cet ensemble se trouve un cœur et une psychologie compliquée.

Nous avons décidé avec mon mari d’abandonner ces protocoles. Je n’en pouvais plus de voir mon corps pris pour un incubateur que l’on doit absolument remplir d’un fœtus. Sans succès, en plus. À quoi bon ? Mais près plusieurs années de « tranquillité » subsistait ce sentiment de ne pas être comme tout le monde, je me reprochais de ne pas avoir d’enfant, de priver mon mari de paternité. Il m’arrivait souvent de me demander : « Est-ce que je serais une bonne mère ? »

J’étais regardée avec pitié par des personnes parce que je n’avais pas le bonheur et la joie d’avoir mis au monde un enfant, car c’est la plus belle chose au monde… Pour certains, en tout cas. Pourtant, quand j’entends les parents se plaindre de leurs enfants, je me demande si l’après-accouchement est si gai qu’on le dit ? L’éducation d’un enfant serait-elle plus compliquée que de le concevoir et le mettre au monde ?

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Un nouveau centre spécialisé ouvre ses portes. Allez on se lance. On y va, on y croit. Cette fois-ci, ça va marcher ! Après autant d’essais, de tests et de tentatives, ça ne peut que marcher ! Premier rendez-vous avec la gynécologue qui m’apprend enfin, vingt ans après mes premières règles que si elles me font tant souffrir, c’est hormonal. Pour ne plus avoir mal, il faut juste avaler un anti-inflammatoire… Les gynécologues précédents ne pouvaient pas me le dire ? Nous avons une longue discussion avec elle, puis avec une infirmière, le docteur qui s’occupe de l’insémination, la totale. Nous devons pratiquer de nouveau des examens sinon ce n’est pas drôle ! Le dossier est remis à zéro. Mais cette fois-ci, nous apprenons que oui, la Fécondation In Vitro est possible. Ouf ! Plus de rapports programmés ! Ceux qui l’ont vécu ou le vivent actuellement me comprennent.

Le revers de la médaille, c’est de nouveaux spermogrammes tous les 15 jours. Une branlette tous les quinze jours sans mouchoir pour ramasser… Mais un petit pot où il faut tout donne à des blouses blanches. Des échographies régulièrement pour vérifier que toutes les conditions sont réunies, attention si vous êtes allergiques au latex comme moi, dommage… Pour couronner le tout, l’examen que nous redoutons toutes. Vous n’avez pas aimé votre première hystérographie ? Bah, vous allez vérifier que vous n’aimez vraiment pas avec une deuxième, car la première est trop vieille… Par chance, cette fois-ci, je suis tombée sur une gynécologue douce qui a su être à l’écoute de ma douleur et a essayé de la limiter au maximum. Merci Docteur.

De nouveau, un traitement avec de multiples prises de médicaments, piqûres régulières et prises de sang à moments fixes. Nous n’avons jamais tenté la Fécondation in vitro, car ils n’ont jamais su se caler sur mes règles très irrégulières, je peux ne pas les avoir pendant 2 mois et après les avoir 2 mois d’affilée, même avec des médicaments pour les déclencher. Ce qui rend le calcul très compliqué et l’organisation quasi impossible. Pendant ces épreuves de traitements, je me suis entendue dire que comme je n’ai pas d’enfants, en gros je ne sais pas les élever. Il est vrai que quand on expulse l’enfant, le Saint-Esprit nous tombe dessus et nous savons exactement quoi faire avec eux ! Dolto n’a qu’à se taire… J’ai été regardée avec pitié, car je ne suis pas foutue d’avoir un enfant, d’être dans une norme ! Mais est-ce cela la norme ? Être mis au monde, grandir, enfanter, élever sa progéniture et mourir, c’est ça être une femme accomplie ? J’entends aussi régulièrement :

– ah mais toi, quand est-ce que tu t’y mets ? L’horloge tourne !

Ben moi je ne peux pas parce que Mère nature ne veut pas. Donc que dois-je répondre pour ne pas plomber l’ambiance ? Vais-je pleurer comme je l’ai déjà fait trop souvent, seule, dans les toilettes et aussi discrètement que possible ? Ou puis-je répondre systématiquement :

– Ben non, moi j’y arrive pas et je n’en aurais pas parce que je suis stérile.

Stérile, ce mot est assez difficile à dire. Je ne vois pas pourquoi je devrais raconter à tout le monde dès que j’entends parler d’enfants, que je suis stérile et que je n’en aurais peut-être pas. Un profond ras-le-bol s’est installé en moi, j’en ai marre de courir pour aller me faire trifouiller, d’avoir l’impression que mon corps ne m’appartient plus. J’ai décidé de tout arrêter. Avoir un enfant n’est pas pour moi l’aboutissement de sa vie. C’est que dans cette vie, je ne dois pas en avoir ou peut-être ça marchera plus tard, ou pas. Personne ne sait ce qui est à venir.

Ce fut et c’est toujours une grande souffrance pour moi d’avoir traversé tout ça, je suis sûre que j’oublie encore bon nombre de choses que j’ai vécues, cette détresse ressentie à plusieurs niveaux, les larmes dans ma voiture ou chez moi, quand je suis seule. Aujourd’hui, j’ai 38 ans, j’ai deux filleuls adorables qui sont devenus le centre de mon monde. Un jour, une bouffée de bonheur qui m’a envahie au boulot quand j’ai pensé au prochain séjour de mon filleul à la maison. Je me suis dit que malgré le fait que je n’ai pas d’enfants à moi, je suis bien entourée et que c’est suffisant. Il fallait arrêter de vouloir rentrer dans la norme et de vivre uniquement pour moi. Et puis je ne sais pas si mes filleuls accepteront la concurrence.

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